Édito - Haro sur la rénovation énergétique ?
30 juin 2025Édito
Enième retournement de situation pour les dispositifs d’aides à la rénovation énergétique du bâti. Après avoir annoncé le 6 juin la suspension du dispositif de « Ma Prime Renov », le Gouvernement a annoncé dix jours plus tard sa reprise partielle pour les travaux isolés à partir du 15 septembre… dans la limite des crédits inscrits dans le budget de l’Etat pour 2025.
Cette suspension puis ces revirements, dans la plus grande surprise, ont été perçu comme un nouveau coup de massue pour la filière du bâtiment. Sa suspension entrainant une forte incertitude, en particulier pour les petits artisans – mais aussi beaucoup d’architectes - au cœur du maillage économique territorial.
Le coup d’arrêt au dépôt des dossiers des rénovations d’ampleur pourrait conduire les Franciliens à se tourner davantage vers le « monogeste » qui ne répond pas à l’ambition énergétique et environnementale que nous devons tous collectivement porter, et d’abord les pouvoirs publics en exemplarité.
Ajoutons que, sous le prisme de l’architecture, notre discipline, notre expertise, cette approche est un non-sens.
A l’instar du Conseil national de l’Ordre, le CROAIF soutient que la rénovation énergétique globale est une impérieuse nécessité pour faire face au dérèglement climatique. En Île-de-France, elle l’est d’autant plus que de nombreuses copropriétés, de nombreux logements subissent de plein fouet les effets des bouleversements climatiques et sont aujourd’hui classés dans les plus basses catégories du DPE. Les effets dramatiques sont connus : leur exclusion progressive du marché locatif et immobilier, alors même qu’un nombre croissant de Franciliens ne parviennent plus à se loger.
Pour autant, il faut faire de cet épisode une opportunité. Cette suspension temporaire peut être mise à profit pour réorganiser le dispositif, l’optimiser et sans doute le clarifier, au bénéfice des citoyens comme des professionnels. En particulier dans notre région, où le système de guichets uniques, au départ simplificateur, s’obscurcit selon les territoires et du fait de l’enchevêtrement des acteurs institutionnels. Le Conseil régional de l’Ordre des architectes d’Ile-de-France appelle à ce gain d’efficacité salutaire : il est prêt à y prendre toute sa part, fort des retours d’expériences de milliers d’architectes sur le terrain.
Par ailleurs, une évaluation fine du dispositif « Mon Accompagnateur Renov », source de nombreuses fraudes, doit être effectuée. Le traitement des dossiers par l’Anah peut encore être fluidifié (rappelons que le délai moyen entre la fin des travaux et le versement de la prime est de plus de 300 jours !). Dans cet exercice d’un meilleur service et d’une meilleure utilisation des deniers publics, en appui des pouvoirs publics, l’Ordre et l’architecte ont toute leur place.
A ce titre, la place des architectes dans le dispositif « Mon Accompagnateur Renov » doit être renforcée et pérennisée : professionnel règlementé (le seul du secteur du bâtiment), il est la garantie d’un accompagnement de qualité, basé sur les exigences ordinales en matière d’assurance, de déontologie ou de formation.
Nous appelons enfin au maintien des crédits et à ce que le reste à charge aux particuliers, notamment les plus modestes, n’augmente pas. Dès 2023, mon prédécesseur soulignait l’ambition timorée du précédent gouvernement en matière de financement de la rénovation du bâti (https://www.architectes-idf.org/mag/renovation-des-batiments-une-ambition-trop-timoree-dans-le-budget-de-letat-2023).
Ne revenons pas en arrière. En Île-de-France en particulier, cela aurait de durables et lourdes conséquences sur les plans économique, architectural et social.
Laurence Bertaud, Présidente de l'Ordre des architectes d'Île-de-France
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